Depuis 1976, le Maroc attend. Attente longue, patience épuisée. Presque un demi-siècle sans effleurer à nouveau la plus prestigieuse coupe du football africain, la Coupe d’Afrique des Nations. Aujourd’hui, enfin, une génération dorée semble capable de faire basculer l’histoire.
Le Maroc a remporté une seule CAN, en 1976, en Éthiopie. Une CAN qu’on pourrait presque exposer sous cloche au musée tant elle paraît lointaine. Depuis ce coup d’éclat, le palmarès est resté en jachère : une finale perdue en 2004, trois demi-finale (1980, 1986, 1988), quelques quarts de finale grappillés çà et là… mais toujours sans titre, sans suite, sans couronnement.
Parfois victime d’un arbitrage litigieux, parfois trahi par ses propres erreurs, souvent rattrapé par ses démons organisationnels, le Maroc a trop souvent quitté la scène par la petite porte.
Mais en 2023, un vent nouveau a soufflé, et il venait des sélections de jeunes. Les U23 ont remporté la CAN à domicile, à Rabat, en battant l’Égypte (2-1) en finale. Une victoire historique qui a offert au Maroc un ticket pour les Jeux olympiques de Paris 2024, où les Lionceaux de l’Atlas décrocheront une médaille de bronze historique, une première pour le Royaume et pour un pays arabe.
Les U17, eux, ont d’abord laissé filer une finale face au Sénégal en Algérie (2-1), en mai 2023, avant de prendre leur revanche ce samedi, le 19 avril 2025, en remportant la Coupe d’Afrique des Nations U17, au terme d’un match héroïque contre le Mali (0-0, 4-2 aux tirs au but). Un triomphe attendu, mérité, forgé dans le calme et la discipline.
Ces succès ne doivent rien au hasard. Ils sont le fruit d’une politique sportive structurée, menée par la Fédération Royale Marocaine de Football, sous la présidence de Fouzi Lekjaa. Le Complexe Mohammed VI, symbole d’une nouvelle ère, a permis au Maroc de poser les fondations d’un football compétitif, moderne et ambitieux.
Si l’avenir est prometteur, le présent n’est pas en reste. L’équipe A, conduite par Walid Regragui, a marqué l’histoire de la Coupe du Monde 2022 en devenant la première sélection africaine et arabe à atteindre les demi-finales. Ce parcours héroïque au Qatar a redéfini les ambitions d’un pays tout entier et a donné naissance à une génération respectée sur la scène mondiale.
Mais à peine redescendus de ce nuage mondial, les Lions de l’Atlas se sont heurtés à une réalité continentale brutale. Lors de la CAN 2023 en Côte d’Ivoire, le Maroc a subi une élimination amère en huitièmes de finale, face à une sélection sud-africaine composée majoritairement de joueurs du Mamelodi Sundowns, pendant que les Lions de l’Atlas, étoilés des plus grands clubs européens, échouaient à faire vibrer un collectif.
La CAN 2025, qui se jouera sur les terres marocaines, s’annonce comme le point de bascule ultime. C’est le train qu’il ne faut pas rater. Organiser une CAN, ça n’arrive pas tous les jours. Après la CAN U23, la CAN U17… la logique voudrait que le tour des A soit enfin venu.
Le Maroc pourra compter sur une armada de talents : Achraf Hakimi, Brahim Diaz, Nayef Aguerd, Yassine Bounou, Noussair Mazraoui, Eliesse Ben Seghir, Bilal El Khannouss, Ismail Saibari… Une génération alliant fougue, technique et expérience, à la hauteur des ambitions les plus folles.
Mais avec l’espoir vient la pression. Le public marocain, fervent, exigeant et las des éternels recommencements, n’acceptera rien de moins qu’un sacre. Une autre désillusion signifierait sans doute la fin de l’ère Regragui, et avec elle, l’implosion d’un projet pensé jusqu’à la Coupe du Monde 2030, que le Royaume coorganisera avec l’Espagne et le Portugal.
Le Maroc n’a plus le droit à l’erreur. Il joue à domicile, il joue pour l’honneur, il joue pour briser une malédiction vieille de cinquante ans.
