Des favelas de Rio aux sommets à l’Inter Milan, le Brésilien a écrit une légende sur les terrains qui l’a vite vu sombrer dans l’oubli. Retour sur un parcours aussi fulgurant que tragique d’un des plus grands »What if? » de l’histoire du football.
Adriano Leite Ribeiro naît le 17 février 1982 à Rio de Janeiro, dans les favelas de Vila Cruzeiro. Loin des clichés misérabilistes, l’enfant y vit une enfance joyeuse, rythmée par les parties de foot et l’amour inconditionnel de sa grand-mère. « Les gens se trompent sur les favelas. Moi, je pense aux cerfs-volants, aux toupies… Je n’ai pas souffert, j’ai vécu », confiera-t-il plus tard.
Sa grand-mère, figure centrale, le nourrit de pain sucré et de pop-corn (« un régime loin des conseils de Cristiano Ronaldo »), mais surtout, elle l’accompagne à chaque match, sous la pluie ou le soleil, hurlant comme un parent de footballeur du dimanche.
Flamengo : la révélation d’un monstre sacré
À 7 ans, sa famille se cotise pour l’inscrire à l’académie de Flamengo. À 15 ans, coup de théâtre : il est recalé et placé dans la colonne des « non-conservés ». Sauvé in extremis par un coach visionnaire qui le repositionne en attaque, il explose.
À 17 ans, il intègre l’équipe première et marque les esprits avec une frappe si puissante qu’elle rebondit parfois « jusqu’à la ligne médiane ».
L’Inter Milan et l’envolée européenne
Repéré par l’Inter, il débarque en 2001 pour 13 millions d’euros (« à l’époque, on ne claquait pas 90 millions sur un joueur de Football Manager »). Lors d’un match amical contre le Real Madrid, il s’impose en marquant un coup franc magistral sous les yeux de Materazzi, pourtant réticent à lui laisser le ballon. « Merde, mon vieux, j’ai frappé du gauche et Dieu a fait le reste : lucarne ! » La légende de l’Empereur est née.
Il enchainera ensuite une belle épopée avec les Nerazzurri avec qui il disputera 3 saisons de très haute volée de 2004 à 2006 avant de s’éteindre malgré lui les 3 saisons suivantes, réussissant néanmoins à glaner 4 titres de champion d’Italie.
2004 : l’apogée et la chute
Avec la Copa América 2004, Adriano entre dans l’histoire. Meilleur buteur (7 buts), il offre le titre au Brésil en sauvant son équipe en finale contre l’Argentine. « Une démonstration de force : vitesse, puissance, sang-froid… L’attaquant ultime », s’enthousiasment les observateurs.
Mais le drame guette. Peu après, son père meurt d’une crise cardiaque. « J’ai tapé mon téléphone et hurlé comme jamais », se souvient Javier Zanetti. Dévasté, Adriano noie son chagrin dans l’alcool. Pourtant, ses stats restent impressionnantes (« comme si son corps jouait sans son âme »). Mourinho tente de le sauver, mais Adriano fuit Milan pour Rio, ne revenant jamais.
La descente aux enfers
Prêté à São Paulo, puis errant entre Flamengo, Corinthians et même l’AS Roma (« un prêt si court qu’on l’a à peine vu en Serie A »), il ne retrouvera jamais son niveau. Blessures, absences, hygiène de vie… Le géant s’efface.
Certains voyaient en lui un futur Ballon d’Or, un héros capable de rivaliser avec Ronaldo et Messi, quand d’autres n’y croient plus. « Le football est ainsi : certains brillent puis s’éteignent », philosophe un ancien coach.
Mais comme il restera à jamais dans le cœur de ceux avec qui il a évolué, son jubilé, chargé d’émotion et organisé près de huit ans après son dernier match officiel, a été à la hauteur de son héritage. Devant plus de 20 000 spectateurs, cette rencontre opposant les « légendes » de Flamengo, son club formateur, aux « Amis d’Italie », s’est soldée par une victoire 4-3 des Brésiliens. Parmi les nombreux anciens de la Seleção présents, Romário a honoré l’événement de sa présence. Enfin, il a eu droit aux adieux qu’il méritait.
Aujourd’hui, Adriano reste une énigme. Un très grand « what if » du foot. Son histoire, entre grâce et tragédie, rappelle que le talent ne suffit pas sans le mental. Mais il n’empêche qu’il aura, durant cette courte période, réussi à mettre des étoiles dans les yeux de ceux qui l’ont vu évoluer.
Et ce n’est pas les joueurs de PES 2006 qui diront le contraire.