Auréolé de son premier Ballon d’Or africain, la consécration d’Ademola Lookman aux CAF Awards tenue cette année à Marrakech, au détriment de Hakimi ou encore de Guirassy, n’a pas manqué de faire réagir, que ce soit au niveau national ou au-delà de la Méditerranée.
Au Maroc, le sacre d’Ademola Lookman est loin d’être passé comme une lettre à la poste. Déjà, dès l’annonce de la victoire du Nigérian, successeur de son compatriote Osimhen vainqueur du titre la saison passée, la foule présente au palais des congrès du Movenpick n’a pas manqué de faire entendre sa protestation dès l’annonce à Marrakech de sa victoire. Entre ceux scandant le nom du capitaine de la sélection marocaine, et ceux huant la victoire du Nigérian, les réactions entendues en mondovision lors de la cérémonie étaient quasi sans équivoque.
Même son de cloche pour la majorité de la presse sportive marocaine qui a ensuite résonné entre indignation et surprise, ou encore ceux qui ont crié au vol. Hespress par exemple commenté : «Les supporters marocains avaient exprimé leur grand optimisme quant au fait qu’Hakimi serait le cinquième Marocain à remporter ce prix de l’histoire, avant que tout le monde ne soit surpris lorsque Lookman a été sacré meilleur joueur du continent africain, après son éclat remarquable au cours de l’année en cours, et le leadership de la brigade Gian Piero Gasperini.»
Al Mountakhab a pour sa part été un peu moins tempéré dans son commentaire : «Pour la deuxième fois, l’Afrique vole le Ballon d’Or à deux lions au Maroc», a titré la publication marocaine ce mardi, avant de développer sur le sujet : « le comité technique de la Confédération africaine, chargé de choisir le meilleur joueur d’Afrique, continue de voler, voire d’improviser, car pour la deuxième fois consécutive il favorise son injustice envers les Lions du Maroc». Une réaction qui fait écho à ce que la majorité des acteurs de la presse sportive nationale ont pensé, remettant en doute les critères sur lesquels se sont portés les votants pour décerner le prix à Lookman.
Les réactions de la plupart des Marocains sur les réseaux, bien que non unanimes, ont aussi tourné dans ce sens. La plupart ne comprennent pas comment le titre ait pu échapper à Hakimi au vu de sa saison, des titres qu’il a remportés en étant acteur majeur de son équipe, mais aussi et surtout au vu de la médaille de bronze glanée aux JO de Paris, la première de l’histoire de la délégation marocaine dans ce sport. Soufiane Rahimi et Rachid Benmahmoud ont aussi exprimé leur soutien en affirmant qu’il méritait le Ballon d’Or africain. Rahimi a partagé une story avec lui, accompagnée d’un émoji médaille d’or, tandis que Benmahmoud a publié un émoji avec des épaules haussées.
De l’autre côté de la Méditerranée, notamment en France où Hakimi évolue au PSG, les réactions de la presse ont, en revanche, été tout à fait opposées. Là-bas, la victoire de Lookman se justifie par sa saison passée exceptionnelle, mais surtout par son triplé en finale de l’Europa League avec l’Atalanta Bergame, offrant à son club son premier titre sur la scène continentale. Sofoot indique par exemple : «Élu meilleur joueur africain ce lundi soir à Marrakech, Ademola Lookman est justement récompensé de sa saison XXL avec l’Atalanta.»
Le média français justifie son choix par «Son début de saison : décisif à douze reprises en treize journées disputées», son «triplé face aux Invincibles de Leverkusen coachés par Xabi Alonso» mais aussi par sa «capacité à se montrer décisif pas seulement face aux faire-valoir du championnat domestique», argumentant qu’il a été buteur contre les plus gros, à savoir le Napoli, l’AC Milan ou encore le Real Madrid en Ligue des champions.
Même refrain pour l’Équipe qui ajoute que le parcours de Lookman avec le Nigéria lors de la dernière CAN en étant finaliste joue en sa faveur. «Si le Nigérian a échoué en finale de la CAN face à la Côte d’Ivoire en février (1-2), il a fait partie des meilleurs joueurs de la compétition, avec 3 buts et 1 passe décisive à son actif. Une forme qu’il a gardée cette saison, en étant déjà décisif à 18 reprises toutes compétitions confondues’», commente le quotidien français.
Notre avis
Peut-être que le chauvinisme marocain a pris le dessus et que ce biais a influencé une partie de la presse sportive du Royaume. Il faut bien le reconnaître : la victoire d’Ademola Lookman, loin d’être volée, est amplement méritée, notamment au vu de la saison exceptionnelle qu’il réalise. Ses performances étincelantes, notamment son triplé en finale de l’Europa League, ont contribué à l’essor de l’Atalanta Bergame sur la scène continentale, et ses statistiques parlent d’elles-mêmes. Aucun doute, il mérite son titre.
Cela dit, voir Hakimi triompher n’aurait pas été une si grande surprise non plus. L’implication croissante de l’arrière droit du PSG, que ce soit avec son club ou avec la sélection marocaine, en fait un prétendant de poids. En tant que latéral, sa tâche est plus complexe, et il est rare de voir des joueurs dits « défensifs » décrocher un tel titre individuel. Dans ce contexte, même sans le sacre, la simple présence d’Hakimi parmi les finalistes peut être perçue comme une victoire. Sa régularité au plus haut niveau, sa capacité à être décisif dans les moments décisifs, et surtout l’histoire qu’il écrit avec le Maroc en tant que pionnier d’une équipe qui brille sur la scène mondiale, ne peuvent qu’être saluées.
En définitive, si la victoire d’Ademola Lookman est incontestable, il est évident que le débat autour du trophée met en lumière une question de perception, mais aussi de critères parfois flous. Mais au-delà des polémiques, il faut aussi célébrer la performance de ces joueurs, qu’ils soient marocains, nigérians ou d’ailleurs, qui participent à l’élévation du football africain sur la scène mondiale.
Peut-être même que le principal lésé dans cette affaire n’est autre que Soufiane Rahimi.
